jeudi 20 novembre 2008

CORÉE DU SUD • Une nouvelle stratégie face à Pyongyang ? - Courrier International / 2008-11-12

CORÉE DU SUD • Une nouvelle stratégie face à Pyongyang ?
La politique de fermeté du président sud-coréen à l'égard du Nord risque d'isoler Séoul. Car elle sera en contradiction avec celle de la future administration américaine.

"La politique nord-coréenne du gouvernement de Lee Myung-bak est inexistante, car il considère toujours la Corée du Nord comme un pays ennemi", lance de façon catégorique Choe Chae-chon, ancien député du Parti démocrate. Tous ceux qui ont été conseillers du gouvernement sud-coréen depuis dix ans sur la question du Nord s'accordent à dire que l'amélioration des relations avec Pyongyang n'est pas une priorité du pouvoir actuel, dont le rêve est de mettre à genoux le régime communiste. Dès son investiture, en février 2008, le président conservateur a refusé d'accorder une aide, pourtant programmée, de 50 000 tonnes de maïs à Pyongyang, qu'il accusait de continuer à détenir des prisonniers de guerre et des Sud-Coréens kidnappés.

D'après une information diffusée par le journal Hankyoreh, démentie par des proches du président Lee, ce dernier aurait, lors d'une récente réunion interne, recommandé plus de fermeté à l'égard du régime de Kim Jong-il, déclarant qu'"une aggravation des relations avec le Nord n'exercera pas forcément une influence néfaste sur l'économie du Sud". Il aurait aussi déclaré : "Nous bloquerons le fonctionnement du groupe de travail pour l'aide énergétique à la Corée du Nord tant qu'il n'y aura pas d'avancée dans les pourparlers à six sur le programme nucléaire." S'il n'a pas réussi à supprimer le ministère de la Réunification, il continue à privilégier au sein de son équipe la présence des diplomates au détriment de celle des spécialistes de la Corée du Nord. "La réunion de concertation en matière de diplomatie et de sécurité nationale ne semble pas capable de s'adapter à l'évolution du régime nordiste à laquelle il faut s'attendre dans un avenir proche [l'éventuelle disparition de Kim Jong-il]", s'inquiète Chong Song-jang, du Centre de recherche Sejong sur les relations intercoréennes.

Cela explique sans doute quelques erreurs de jugement du nouveau gouvernement sud-coréen. Il était, par exemple, convaincu que les Nord-Coréens feraient profil bas devant lui pour obtenir une assistance alimentaire. Ce sont finalement les Etats-Unis et d'autres pays qui ont décidé de leur venir en aide. De même, après la mort d'une touriste du Sud, survenue le 11 juillet dernier sur le site touristique [nord-coréen exploité par la société sudiste Hyundai] du mont Kumgang, Séoul a voulu envoyer une commission d'enquête dans la zone militaire nord-coréenne où s'est produit l'incident, ce que le pays le plus fermé de la planète ne pouvait accepter. "Le gouvernement aurait dû agir de manière plus officieuse", regrette Yi Pong-jo, ancien vice-ministre de la Réunification. "Il pense punir le Nord en suspendant le tourisme au mont Kumgang, mais ce sont les entrepreneurs sud-coréens qui en pâtissent le plus", ajoute-t-il. "La politique nord-coréenne de l'actuel gouvernement est avant tout destinée à plaire à ses électeurs. Pas étonnant que le Nord s'en méfie !" fustige, pour sa part, Yi Chong-chol, professeur à l'université Sungsil, à Séoul.

L'élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis rend probable une amélioration des relations entre Pyongyang et Washington et promet des moments difficiles entre les deux Corées. Le triangle Lee Myung-bak, Kim Jong-il et Obama en rappelle un autre, celui qui avait existé entre Kim Young-sam [président sudiste], Kim Il-sung-Kim Jong-il et Bill Clinton. En 1994, le président Kim Young-sam avait jeté un froid dans ses rapports avec les nordistes, en omettant de leur exprimer ses condoléances après le décès de Kim Il-sung. Alors que Pyongyang multipliait les contacts au plus haut niveau avec Washington, Séoul en avait été complètement exclu et avait dû se contenter de participer aux frais d'installation des réacteurs à eau légère que Washington avait promis au Nord. Il est à craindre que l'équipe du président Lee ne suive le même chemin et se retrouve avec une addition salée à payer si elle veut jouer un rôle dans la nouvelle configuration qui va se mettre en place.

Pae Hye-jong
Minjungui sori (La Voix du peuple)