lundi 15 décembre 2008

Séoul, la future capitale du design / Metro France 2008-12-02

Samsung, Daewoo, LG… La Corée a conquis le monde avec ses grandes marques technologiques. Mais pourriez-vous citer le nom d’un architecte ou d’un créateur coréen ? Alors que l’on désigne toujours Hong Kong, Tokyo ou Shanghai parmi les capitales asiatiques les plus influentes, Séoul sort de son sommeil et sort les grands moyens pour promouvoir ses jeunes talents. Préparez-vous au boom artistique du Pays du matin calme : Séoul a déjà été désignée capitale mondiale du design en 2010.

Des designers prometteurs
Le coup d’envoi a été donné cet automne. En octobre, le stade Jamsil (où se sont déroulés les JO de 1988) a abrité la Seoul Design Olympiad, gigantesque exposition de designers locaux, avec quelques grands noms étrangers invités (Newson, Matali Crasset). Pour l’occasion, l’extérieur du stade a été décoré de guirlandes constituées de bouteilles et autres déchets en plastique, pour allier l’aspect esthétique aux symboles : consommation, recyclage... A l’intérieur, l’expo “Design is Air” regorge de trouvailles surprenantes, amusantes, bourrées de talent. Une aile a été réservée à Zara Hadid : ses tables fuselées et ses étagères tracées comme un coup de couteau réconcilient la sensualité des lignes et la très haute conception technique.

Deux millions de visiteurs se sont pressés à cet événement culturel hors normes. Des conférences, un festival et une compétition ont été organisés en amont. Eun-Sook Kwon, directrice du SDO, précise : “Ecologie, sécurité et efficacité sont les valeurs de base de ces projets de design. Nous voulons montrer aux Coréens que le design fait partie de leur vie quotidienne, qu’il peut l’embellir. Ces projets ne sont pas réservés aux temps de prospérité.”

Young Se-Kim est un précurseur dans ce domaine : il a fondé Inno-Design en 1986, dans la Silicon Valley, et a vite connu un succès international. Son micro-ondes pour Samsung a été le premier de la marque a avoir été dessiné pour l’export. “Je veux créer un design facile à réaliser pour en fabriquer un très grand nombre et que les prix restent bas. Pour moi, c’est de la logique plus que du marketing : le design doit penser aux autres.” Les jeunes Coréens avaient l’air de beaucoup apprécier ses lecteurs MP3 en forme de poudrier Barbie et ses baskets dorées…

Un nouveau paysage urbain
Ce qui trahit de la façon la plus flagrante le déséquilibre entre développement technologique et développement culturel, c’est le paysage urbain. Séoul est une mégalopole de 10 millions d’habitants où les espaces verts sont plus que rares, même si la ville est entourée de magnifiques collines où l’on part randonner les week-end. Avec ses façades de rouille, ses néons, son verre et son béton, l’immeuble Wellcomm fait davantage penser à un bunker de Berlin-Est qu’à un bureau de création.

Son architecte, Seung Sang, n’a pourtant rien d’austère. L’un des plus grands architectes coréens reçoit sans façon, bienveillant derrière ses lunettes rondes. “Mon œuvre repose sur quatre principes : l’intégration dans la ville, la fonctionnalité, l’espace et la forme de l’immeuble. J’aime la simplicité, les matériaux peu onéreux, même si je pense à présent à utiliser des pierres volcaniques.” Quand on lui demande si un style architectural typiquement coréen commence à émerger, il répond humblement : “La nationalité de l’architecte ne compte pas, seul le lieu est important. Moi-même, je suis influencé par tant d’architectes étrangers, en permanence. Mais je trouve la jeune génération d’architectes très prometteuse.”

Espérons que l’un d’eux remportera le concours du Dream Hub, projet d’urbanisme visant à réaménager le quartier de Yongsan d’ici à 2013. La très belle tour en forme de goutte d’eau n’est qu’un exemple de ce futur quartier qui comprendra des bureaux, un centre culturel et des appartements dans un écrin plus vert et plus écolo. On doit connaître courant décembre le nom de celui qui dessinera la tour emblématique de Yongsan qui, à long terme, devrait évoquer Séoul comme l’Empire State Building à New York et la tour Eiffel à Paris.

Parallèlement, le Renais­sance Project souhaite revaloriser les berges de la rivière Hangang, qui coupe la ville en deux.

Beaux et stylés
Séoul, capitale de la mode ? Ça pourrait ne pas tarder, au vu de la Fashion Week qui s’est déroulée en même temps que les festivités du design. De la mode 100% coréenne, représentée par une quarantaine de stylistes. Les défilés ont montré des modèles inégaux, mais souvent intéressants. Sangbeg Ha aime les couleurs fluo. Ses mannequins, grands, maigres et boudeurs comme les Occidentaux, portent fièrement le tulle et le coton transparent. Ses influences ? Elles vont d’Alice au pays des merveilles à Dark Vador dans Star Wars…

Lee Seoktae, qui a étudié à Paris, jongle entre les basiques et les styles conceptuels. Ses pantalons sont aussi rigides que ses robes sont fluides. Quant à Lee Bomi, elle a gagné un concours de mode organisé par Air France en 1997 ; trois ans plus tard, elle a lancé sa marque, Veto by Leebomi. Professeur de stylisme à l’université de Sangmyung, elle a présenté une ligne où chaque pièce peut être coordonnée aux autres. Facile à porter, mais exigeante en matière de coupes. La crise économique ralentit mais ne stoppe pas l’élan que Séoul donne à sa culture moderne. En 2010, la ville devrait porter fièrement son étendard de capitale mondiale du design.

Et d’ici à 2015, parions qu’elle pourra égaler en influence Tokyo, sa rivale éternelle.

Jennifer Lesieur